Redbioul // Force Quartz - Interview 2007 (1)

Publié le par Tuân

img452/5231/aiglesp3.jpg   From Geneva... to the World


img128/8633/openxa6.jpg


Activistes chevronnés de la scène Hip-Hop depuis plus d'une dizaine  d'années, le rappeur et producteur Redbioul et le duo Force Quartz (respectivement MC et beatmaker) sortent finalement leurs projets solos après avoir tenté une aventure commune sous le nom de Street Souldiez. Désormais deux entités distinctes, ils nous parlent de ce qui s'est passé (Des Homiz Capables), de ce qui se passe (la compilation internationale Asphalt Themes) et de ce qui se passera (Mon Combat pour Redbioul et Destinée pour Force Quartz). Posés dans leur studio avec une listening session à la clé, quelques bières, une livraison de Sizzurp et un lavabo multi-usage, l'entrevue se passe tranquillement. Le tout découpé en deux parties, Bioul et Force étant aussi généreux en mots derrière un micro qu'autour d'une bière.


Texte : Tuân
Clichés : Tuân, Redbioul & DR


Tuân : Pour commencer, vous pouvez me parler un petit peu de cet endroit, votre studio ? A-t-il un nom ?

Quartz : Alors on l'a appelé le Lox à l'époque, pour "local".
Force : À l'époque, on disait qu'on se donnait rendez-vous au Lox, c'était une autre manière de parler.
Redbioul : Tu vois les tuyaux en haut ? C'était une buanderie à la base où on y a tout refait : les murs, le tapis sur le sol... Ca fait un moment qu'on l'a... peut-être même depuis l'époque de Sur la Trajectoire, l'album des Homiz Capables sorti en 2000.
Force : On enregistrait à la base chez Stil Fada qui n'est maintenant plus trop dans le truc, on dérangeait toujours les parents alors on s'est dit qu'on allait faire en sorte d'avoir notre endroit pour bosser tranquillement. À la base, on enregistrait aussi dans d'autres studios. Et maintenant on est ici, ce qui est nettement plus rentable que de se rendre dans un studio.
Quartz : Surtout prendre notre temps pour faire les morceaux carrés comme on la sent, revenir lorsqu'il y a des choses à retravailler.
Redbioul : Ca nous permet d'être hyper flexibles.
Force : Et ça évolue avec le temps. Là on t'a fait un résumé en trente secondes, mais en gros c'est parti de l'idée d'avoir un endroit à nous.
Quartz : C'est aussi l'occasion d'inviter d'autres gars plutôt que d'aller chez un tel ou un tel.
Force : C'est bien plus facile de recevoir. On n'y pensait pas au début, mais c'est venu naturellement. Comme Quartz et Bioul aussi sont bien dans la prod, ça permet de réunir des gens.
Redbioul : Après, optimalement, si des gens viennent ici pour des projets externes, c'est clair qu'on va demander une petite somme symbolique. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'on paye cet endroit, et que si on arrive à le rentabiliser d'une manière ou d'une autre c'est bon à prendre.

T : Vous faisiez partis des Homiz Capables autrefois avec Stil Fada, et votre album Juskobou avait aussi une prod de Quartz...
Q : Il y en avait même deux ou trois.
R : Ouais, deux ou trois.

Tout ça pour savoir comment vous vous êtes rencontrés les trois en fait.
Q :
Force et moi, on s'est rencontrés par le biais de l'apprentissage, première année dans la même école. On était juste des connaissances. J'habitais à Nyon à l'époque, Force rappait déjà avec ses potes et moi je commençais tout juste à mixer. Tout de suit on a accroché, on est devenus potes, on avait les mêmes goûts musicaux et les mêmes vibes. Pour nous, le projet Force Quartz était mûrement réfléchi, mais Force faisait en priorité ses projets avec ses potes. Je bossais de mon côté soit sur différents projets DVD ou pour différentes personnes pour des illustrations sonores, et dès qu'on a eu l'occasion de s'y mettre c'était parti pour de bon. Force m'a présenté par la suite à son entourage.
F : Je me rappellerais toujours du jour où Quartz m'a dit : "Un jour, je te ferai ton album solo". Avant tout, avec les Homiz Capables, on a un grand passé dans la musique, et ça s'est fait à côté avec Quartz avec qui j'étais vraiment dans les mêmes délires. De temps en temps on faisait quelques titres ensemble, mais les Homiz Capables ont demandé tellement de temps aussi... Des fois, je n'arrivais pas à m'investir. Une fois arrivés au bout avec la séparation d'un des membres, on devait passer à autre chose.
R : Séparation de Stil Fada qui a dû arrêter musicalement mais qui est toujours par là.
Q : Avec Force on a commencé à avoir une dizaine de titres et on s'est dit qu'il serait temps d'attaquer, qu'on allait prendre notre route en "solo" en formant un nouveau groupe producteur / rappeur.
R : Pourtant, les gens croient souvent qu'il s'agit d'une seule et même personne (rires) !
F : J'essaye de plus en plus de marquer la distinction, mais ça va venir. Sinon, vu que DHC s'arrêtaient, Redbioul s'est aussi mis de son côté à écrire et s'est retrouvé avec pas mal de titres et a trouvé l'occasion de sortir son propre truc.
R : Simple évolution.
F : Simple évolution, voilà. DHC, on a tourné la page. De Sur la Trajectoire à Juksobou, on voit vraiment la différence. Avec Sur la Trajectoire, on sentait vraiment qu'on était la bande de potes qui traînaient toujours ensemble dans la street tout le temps. Sur Juskobou on commençait quasiment à entamer nos chemins d'adultes. On sentait dans les textes le changement. Après, les choses de la vie comme la famille, les études, le boulot, ont fait qu'on a choisi des voies différentes. Il ne s'agit pas de mauvais terme, mais de choses de la vie qui ne nous concernaient plus les trois.
Q : Ca fait un moment qu'on est sur ces projets solo...
R : Tu as pu voir qu'on avait déjà des street albums qui étaient sortis.
Q : Ca fait facilement deux ans, deux ans et demi qu'on est sur ça. Ces morceaux qui datent de ces années se trouvent donc sur les premiers street CD.
F : Dans l'optique de sortir un album, ça fait en effet dans les deux ans. Pour une sortie concrète, même si on n'a pas forcément tenu un planning, ça arrive.
R : Il y a aussi la compile Asphalt Themes qu'on est fier de présenter aux gens, et ça évolue tout le temps. En six mois, il y a forcément des morceaux qui en remplacent d'autres et qui vont se placer sur d'autres projets. Donc c'est clair que les gens disent que ça prend du temps. Mais d'expérience, sortir un album pour qu'il y ait juste ton entourage qui soit au courant, ça ne sert pas à grand chose.


Avant de poursuivre, je voulais savoir d'où provenaient vos pseudos : Quartz, Redbioul, Force-Flavestrada...
F : Flave, c'était mon nom dans DHC... voilà.
Q : Mais explique !
F : Alors on m'a toujours appelé Flave, parce que mon prénom c'est Flavio, comme ça tout le monde le saura (rires) ! Après, en délirant, on a ajouté le "Strada" qui veut dire "rue" en italien.
Q : Parce que t'es rital (rires) !
F : Voilà (rires) ! Le délire Force Quartz on l'a monté en parallèle.
Q : Je me rappelle qu'on avait trouvé le nom sur le parking devant chez mes parents. J'avais déjà trouvé mon blaze. J'ai dû mettre cinq ans à en trouver un qui me corresponde ! Quartz, ça ne voulait pas dire grand chose, mais ça représentait quelque chose pour moi. Je n'ai pas encore trouvé quoi, mais voilà, ça claquait bien ! On avait aussi toute une vibe de supers héros à l'époque, et lui m'a dit "Ouais, je crois que je vais m'appeler Force !". Alors ça donnait Force Quartz, tout simplement.
F : C'était aussi par rapport à tout ce qu'on avait vécu, la "Force". Je voulais aussi changer mon identité par rapport à DHC, mettre les pendules à l'heure, repartir à zéro sur un nouveau projet. Un espèce d'hommage à la complicité que Quartz et moi avons aussi, on se faisait trop de soirées et tout...

On voyait bien ce délire de supers héros sur d'autres couvertures de vos street CD.
F :
Tu vois les trucs à la Dragon Ball Z ? Genre la Fusion, parce qu'on trouvait qu'on fusionnait pas mal ! Je venais vers lui en lui disant que j'avais tel texte ou tel thème, et il arrivait après avec un beat hallucinant, qui collait trop à ce que j'avais écrit.
Q : D'ailleurs, notre album, on a hésité un moment à l'appeler Fusion.
F : Sinon, je voulais avant tout garder le "F" dans mon blaze qui a énormément d'importance pour moi. Et vu que ce n'était pas mon solo mais un projet commun, il fallait quelque chose qui sonnait bien avec "Quartz". Je ne dirais pas que ça sonne vraiment super héros, mais on n'en est pas loin (rires) !
R : Redbioul, c'est pas difficile, c'est un diminutif d'après mon nom de famille...
F : Pour "Red", c'est mieux que ça soit moi qui explique (rires) !
R : Il y a plusieurs explications, car quand je rappais à l'époque...
F : ... Il devenait tout rouge (rires) ! Franchement, c'était la folie ! Vraiment vénère !
R : C'est aussi parce que j'ai un Rap énergique, tu vois pour "Redbull". Il y a plusieurs explications, mais "Bioul" pour le diminutif du nom de famille.

Vous avez parlé de votre rencontre en tant qu'amis, mais comment en êtes-vous concrètement venus au Rap ?
Q : Ca remonte à loin !...
F : Pour moi, ça a commencé au tout début du cycle...
Q : Moi pareil.
R : La même chose.
F : J'écoutais du son comme tout le monde tout en ayant une préférence pour le son américain, et non pas français.
Q : Surtout que là, c'était surtout genre NTM, IAM, Solaar, Assassin...
F : Ca m'a trop capté, j'ai trouvé mon truc dedans. Redbioul, je le connaissais par le biais du basket.

Ah ouais, vous êtes grands les deux...
F :
Ouais (rires) ! Mais lui était plus ancien que moi dans le Rap, je crois même que ça faisait bien une année ou deux de plus que moi. J'allais chez lui, il avait déjà trop d'albums !
R : J'allais les dégotter chez Maniak, car des magasins comme City Disc n'avaient pas tout à l'époque. Maniak, Sounds, un mag dans Maniak... La rue du Stand, vers le Palladium.
F : Il y avait aussi l'autre, à côté de American On Sales.
R : Bernard ?

Slam Jam ?
F : Non non, en bas aux Pâquis t'as genre Jack Cuir, mais oui, il y avait que des vinyles !

Ah oui, y a ces espèces de peintures chelous là...
Q :
Aaaah, le truc de Rock... Matchbox !
Tout le monde : Matchbox, voilà !
R : Avant on allait aussi chez Bernard, il a maintenant un magasin d'habits aux Pâquis.
F : Rock My Soul. Un magasin de disques dans un magasin de fringues.
R : Non, il était à Plainpalais avant, il vendait des CDs d'occasion. Après il a eu son truc dans un magasin de fringues, dans un sous-sol. Vinyles, et tout. Il a arrêté les disques maintenant.
F : Donc pour en revenir à notre sujet, j'ai perdu Bioul de vue mais je savais qu'il était dans le Rap. On a repris contact, il était déjà avec Stil Fada.
R : On était aussi du même quartier avec Force.
F : Du Petit-Sac tous les deux. Je trainais avec d'autres gars et on se voyait moins. Bioul était déjà dans le groupe avec Stil Fada et deux de ses frères. Un jour, y a un de ses frères que j'avais rencontré en soirée qui m'appelle. J'étais pas tout à fait dans le Rap vu que j'étais aussi dans le mix (rires). Donc il m'a appelé et m'a dit qu'ils avaient un concert et m'a proposé de venir.
R : C'était à Sismondi. On avait une chaîne stéréo...
F : Les chansons étaient sur cassettes !

Ah c'est vous qui aviez fait le concert à Sismondi ? Mon frère m'en avait parlé.
F :
On est des vieux de la veille, attention (rires) !
R : Ah, et il en avait pensé quoi ?

Il m'a dit que c'était marrant.
F :
Quand je les ai connus, ils étaient à fond dans le Rap britannique, genre Killa Instinct, Hijack, Gunshot et tout. On a tout de suite accroché et j'ai fait parti de leur crew.
R : Y avait Badra à l'époque...
F : Ouais... On grandissait à mort. On connaissait presque tout le monde, tout le monde nous connaissait mais on n'était pas dans l'optique de sortir un CD. On rappait toute la journée, on sortait le matin et on rentrait le soir !

Et Quartz, comment en es-tu venu au Hip-Hop ?
Q :
La musique, depuis tout gamin, j'ai été plongé dedans avec mon cousin qui écoutait du Hard. C'était franchement un fanatique de musique, il me faisait écouter des morceaux en me disant "Écoute ce mec comme il joue de la basse". Et je kiffais, j'ai commencé là-dedans, du Hard jusqu'à mes sept ans. J'étais skater gamin, et on faisait des sessions où on écoutait toujours du son. Après, les Public Enemy et les Run DMC et tout ont commencé à sortir et j'ai tout de suite accroché. En fait, depuis mes neuf ans, je n'écoutais que ça. Au niveau du temps, quand j'habitais à Nyon, on sortait le soir avec des potes en prenant une box, on écoutait du son, on commençait à kiffer, et j'ai commencé à danser avec des gars sur Nyon. Donc le soir on faisait des chorégraphies en se regardant dans les vitrines des immeubles. Au fur et à mesure, je me suis dit que je kiffais trop tout ce qui était lié au Hip-Hop et me suis dit qu'il fallait que je commence à aller plus loin dans cette zique. Je me suis donc acheté des platines et me suis mis au mix. Avec les potes de l'école, on a fait un petit groupe : deux MCs, un gars qui faisait la prod et moi en tant que DJ. Le producteur se bougeait et allait à Morges où la maison de quartier mettait à disposition un studio pour les jeunes et je l'ai suivi dans son parcours. C'est lui qui m'a appris à faire des sons. Finalement, ce groupe s'est dissout et j'ai continué à produire dans ma chambre, ce qui emmerdait bien ma mère et mes voisins (rires). Avec ceux qui étaient danseurs à l'époque, on s'est rechopé plus tard, on s'était regroupé. Eux étaient devenus des MC et je faisais des sons pour eux. En parallèle, c'est là que j'ai rencontré Force. Je taffais toujours la prod, mais beaucoup en sous-marin, car c'est un peu le problème du musicien : il n'est jamais satisfait de ce qu'il fait.

De l'artiste tout court en fait.
Q :
Exact.
F : C'est aussi ça qui a fait qu'on mettait du temps à sortir des trucs. On aurait voulu faire, et sortir. On aurait pu franchement faire trois albums avec tout ce qu'on avait, mais des morceaux vieillissaient, on se disait qu'on ne pouvait pas les sortir comme ça, on voulait passer à autre chose...
R : C'est comme pour l'album de DHC, album dont je suis fier vu qu'il fait parti de mon parcours ; il est vrai que s'il y avait des choses à refaire, ce n'est pas que je ne les referais pas, mais je les referais différemment. Sortir le projet en groupe était cool, avec de bonnes expériences niveau scènes et tout, mais tu m'avais même dit que tu n'avais pas aimé notre CD à l'époque.

L'image “http://xphases.levillage.org/images5/homiz.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.
La période DHC, avec Stil Fada au centre


Parlons-en d'ailleurs de Juskobou qui date de 2004. Maintenant on est en 2007, ça fait trois ans, ce qui peut paraître rien pour certains mais énorme dans le milieu de la musique...
F :  En terme musical, j'ai l'impression que ça fait trente ans !

Album très controversé d'ailleurs. De quelle manière avez-vous évolué depuis cette époque jusqu'à maintenant ?
Q : Je parle pour eux vu que je n'étais pas trop sur le projet à l'époque. Mais je sais qu'ils avaient bossé avec un producteur à l'époque qui leur avait trouvé plein de sons sur le moment et les avait bien inspirés. En tout cas, il était top niveau en matière de beats, il avait son studio, ça pétait... Je sais, selon les dires de Flave, qu'ils écoutaient les sons de ce producteur et s'en prenaient plein la face. Du coup, ils se sont énormément laissés prendre par cette vibe et on choisi du coup des sons qu'ils kiffaient mais ne leur correspondaient pas.
R : C'est ça, exactement.
F : C'est aussi en rapport avec ce que je disais à propos de Sur la Trajectoire. Mais c'était nous à l'époque, c'était des délires de gamins. Franchement, sortir un album à l'époque, on prenait ça pour de la rigolade. On ne pensait pas à vendre des millions, on faisait du Rap, c'est tout. Mais pour en revenir à ce que disait Quartz, dans Juskobou il y a eu une évolution dans nos vies. À la base, Stil Fada bossait les sons, mais on avait peur de servir une pâle copie de ce qu'on avait déjà fait, donc on a cherché d'autres producteurs. Et à l'époque, enfin maintenant aussi, on était des acharnés de la scène. On était plus aussi, c'était plus massif sur scène. Donc on cherchait des sons à pouvoir jouer avant tout en concerts. On était allé voir différents producteurs mais on n'agissait pas comme auparavant en ayant un sujet et en cherchant un son par la suite. Là c'était l'inverse, on écoutait le beat de ce producteur et on se disait que ça allait défoncer sur scène et on écrivait en fonction. En fin de compte, ça fait que tout le monde partait un peu en freestyle, chacun y allait à sa manière. On commençait aussi à avoir nos styles. Il est vrai qu'on est allé assez vite...
R : En terme de contenu, on n'était pas au point non plus. Car un groupe, c'est aussi des concessions. On n'était pas d'accord sur tous les trucs. En me réécoutant, je me dis que j'étais pas au point en terme de Rap.
F : Je crois que tout le monde peut dire ça...
R : Stil Fada était le plus évolué de nous trois dans son flow, il était moins dans la recherche.
F : Il était déjà plus au point.
R : Mais là, quand je me réécoute maintenant !... Putain, mais je suis en dehors des phases, je suis pas dans le flow... Il y avait une piste, un lead et des backs. Maintenant je pose cinq-six pistes, histoire de ramener un petit son tout con quelque part mais qui rend le morceau plus compact. Tu l'apprends en le faisant. Mais on y croyait à cet album, on y avait mis pas mal de temps et d'argent de nos poches. Trop d'argent même, car c'est un album qui a coûté tout de même 30'000 francs...
F : En comptant tout.
R : Clips, promo, pressage... On a fait le mastering sur deux jours à Translab à 250 francs de l'heure ça fait vite cher. C'est pas trop cher comparé à d'autres mais ça monte vite tout de même (rires) ! On a cru à un truc sans être conscient des réalités qui se cachaient derrière. Ca a provoqué une remise en question : pourquoi ça n'a pas joué, etc. Parce qu'il y avait tout de même beaucoup de choses qui étaient justes dans notre manière de faire, il y avait des gens d'un bon niveau qui ont participé au projet, ce qui signifiait tout de même qu'il y avait quelque chose de vrai dans ce qu'on faisait. En terme de contenu musical, là où on était donc dans le faux, je pense qu'on a pas mal corrigé le tir (rires). C'est toi qui est le plus à même de nous le dire par rapport à ce qu'on t'a fait écouter aujourd'hui, vu que nous on aime ce qu'on fait (rires).
F : Il y a un truc, c'est qu'on n'a jamais eu de manager. Je ne dis pas qu'un manager te sauve forcément la mise, mais on était vachement entre nous à l'époque. On n'était pas guidés, on n'avait pas de critiques réellement externes.

Vous étiez dans votre cercle en fait.
F :
Voilà, exactement. Et aussi, pour en venir à dépenser 30'000 balles pour un album... C'est qu'on était trop dans notre cercle comme tu dis, on aurait eu besoin d'être conseillés.
R : Ca avait beau être par petites sommes, mais à coup de mille balles par-ci et mille balles par-là, tu finis avec 10'000 balles par personne.
F : Surtout qu'on n'est pas riche (rires) ! En plus à l'époque, les autres étaient encore étudiants... (À Redbioul) Toi tu l'es toujours (rires) !
R : Oui mais bon, je suis assistant maintenant (rires) !
F : Je taffais déjà, mais c'était pas énorme.
R : Typique, c'était de l'argent investi dans ce projet qui aurait pu servir à autre chose, comme aller en vacances ! C'est une passion, tu ne comptes pas, mais ça peut en arriver à un certain point. Il y a aussi eu des gens qui nous ont donné des critiques, mais on ne leur avait pas donné assez de crédit.
F : C'est aussi parce qu'il y a des avis qui ne se tiennent pas. Je préfère qu'on me dise que c'est bien ou que ce n'est pas bien en argumentant, mais le mec qui te dit que c'est pas mal... Des fois quand t'as affaire à des gens qui te connaissent, ils se forcent à dire que c'est pas mal, mais je préfère une critique négative à la place. Parce que c'est ça qui te fait avancer. Il faut aussi savoir accepter ces critiques sans se focaliser dessus, sans quoi on n'avancerait jamais.
R : Des personnes vont te dire que ça déchire, d'autres vont te dire que c'est nul. Il faut savoir faire la part des choses. Heureusement qu'on évolue toujours. Depuis Juskobou, on a lancé l'optique de faire des connexions. Maintenant ça le fait de plus en plus avec la création de la mixtape, la nouvelle compilation Asphalt Themes. Sur les albums il y a aussi pas mal d'invités qui proviennent de divers endroits. Il y eu aussi pas mal de changements de directions... Stil Fada était vraiment impliqué dans le groupe à l'époque.
F : Juste, il me semble que y a encore pas mal de questions qui vont venir (rires) !
R : ... Stil Fada c'était un peu...

Le macro quoi !
R :
Non (rires) ! C'était le gars central qui produisait les trucs, qui nous tenait au courant des choses. Petit à petit on a pris nos places, ce qui a fini par créer des différences dans le groupe.
F : Par rapport à Bioul et moi, Fada était plus pour un Rap léger et festif, dancefloor. Nous on était un peu plus dans le délire bad et street.
R : Underground.
F : Tu me diras qu'il y a plein de groupes qui fonctionnent en ayant des éléments différents, mais là c'était vraiment dans la manière de penser. Quoiqu'il en soit, le seul truc positif de Juskobou est qu'on a arrêté de bosser enfermés, on est allés trouver beaucoup de gens, ce qui nous a ouverts pas mal de portes. Sinon...
R : Mouais... Y a aussi des bons morceaux, comme celui avec Nega. L'autre jour je rematais le clip, et je suis fier de ce morceau. Mais c'est l'un des plus récents de l'album par exemple. Danse pour Oim, on pourrait le retoucher, il y a du potentiel dedans. Peut-être qu'on ne touchait pas les gens en Suisse avec les morceaux qu'on voulait faire, je ne sais pas.
F : C'était pas notre style, on s'était égarés. Du truc vraiment festif au plus Rap... Les gens n'ont pas dû réussir à nous cerner sur cet album.


"Streez Souldiez"

http://www.impecprod.com/Redbioul/images/street3.jpg

En parlant d'évolution, ça aboutit à Street Souldiez. Qu'est-ce que c'est ?
R :
En fait, ça a abouti pour rechanger de cap (rires) !
F : Ah t'es pas au courant de ce qui s'est passé ?

Si si, mais c'est pour les gens.
F :
Je rigole, je rigole (rires) ! En fait, on est arrivé à un point où...

Attends, il faut que Quartz parle aussi.
F :
Si si, mais il va tout le temps pisser (rires) !
R : Non, mais c'est vrai que...
F : Nan nan, c'est Quartz qui doit parler (rires) !
R : Donc Force avait commencé à bosser avec Quartz et je m'étais mis dans la tête de faire un solo. En voyant les difficultés de sortir un disque, pour la promo et tout, on s'est dit qu'on n'arriverait pas forcément à s'accorder. Par exemple, je ne pourrai pas forcément les aider pour leurs trucs. Ca demande du temps et de l'énergie, comme du temps de Juskobou où j'avais dû faire la promo et tout. Pour Street Soldiez, on s'est dit qu'on pouvait rassembler les forces : Redbioul et Force Quartz, un gars en solo et un groupe, ça fait beaucoup d'informations qu'on va essayer de mettre dans un projet et un nom commun. On a gambergé plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour se mettre d'accord sur un nom.
F : Si on a autant mis de temps à trouver un nom et un concept, c'est parce qu'il y avait un problème à la base. Je parle vraiment de faire passer l'information. Si c'était aussi simple que ça, on aurait trouvé un truc simple dès le départ. On a croché trop de mois pour essayer de se faire comprendre. En plus, c'est moi qui avais lancé l'idée.
R : Je me rappelle que t'étais aussi le moins convaincu de nous trois.
F : C'est vrai qu'au début...
R : Tu as peut-être eu l'idée, mais t'étais pas celui qui y croyait le plus.
F : Je suis revenu sur l'idée en me demandant si les gens allaient comprendre.

C'est vrai que c'est particulier.
F :
Bioul m'a dit que c'était spécial, que pas tout le monde faisait ça, un double CD, etc. Après c'est vrai, Nega a fait un double album, mais il ne s'agit que de Nega seul. Pour nous ça allait plus loin.
R : On a sorti plusieurs CD avant pour préparer l'idée, mais la difficulté est restée avec la sortie du CD démo : nos photos, nos titres...
Q : Il faut aussi dire qu'on a fait ça pour viser les maisons de disque. Le fait de regrouper deux projets, ça permettait de proposer un large éventail de styles. Dans les parties de Force Quartz, il y avait peut-être quelque chose qui nous manquait que l'on pouvait retrouver chez Redbioul, et vice-versa. En terme de communication, c'est super dur à faire passer. Force Quartz, on est entre guillements un groupe. Bioul solo avec 25'000 producteurs différents... difficile à faire passer.
F : Quoiqu'il en soit, on s'est mis dans l'optique d'essayer. Après artistiquement il y a eu d'autres problèmes. Car Quartz et moi bossons chacun de notre côté, Redbioul bosse de son côté, mais sans que cela ne nous empêche de faire des titres ensemble. Mais le problème est allé plus loin : Bioul avait une constance de travail différente de la nôtre, il prenait les devants niveau biz, on avait du retard... Des choses ont commencé à partir en tension même si on ne voulait pas se l'avouer au début. À force de ne pas se l'admettre, ça a pété. Enfin pété, disons que c'est allé trop loin. On s'est admis que c'était trop difficile à faire passer. Mieux vaut être poto, faire des trucs en parallèle, mais à son rythme et avec tout le respect qu'il peut y avoir. Une cohésion qui ne marchait pas en fait.
Q : Ca permet vraiment à chacun de s'affirmer dans son projet, d'aller jusqu'au fond. Le regroupement, c'est pour agir de concert mais c'est autre chose quand tu veux réfléchir à un visuel, à un concept. Redbioul avait déjà son idée d'album, nous aussi, et chacun va pouvoir s'épanouir dedans du mieux qu'il le peut.
F : Perso, peut-être que Bioul a un autre avis, à partir du moment où on a pris ce choix, c'est comme un poids en moins. Avec Quartz on a avancé hyper vite ces derniers temps...
R : Sérieux (rires) ?
F : Mais franchement, on s'est mis des délais qu'on a tenu. Avant, c'était pas que de la pression, mais un drôle de sentiment. Ca va mieux maintenant.
Q : Mais Bioul reste cent fois plus carré par rapport à nous... On manque de temps, c'est ça le problème.
R : Ce qui fait que les gens entendent peut-être plus parler de moi, mais les choses tournent aussi pour les deux. Quartz a fait une prod' pour Roccobelly qui tourne sur la radio (NB : Roccobelly Dance sur Couleur 3). L'écart est peut-être dû au fait que je me bougeais beaucoup pour la promo.
F : C'est admirable ce qu'il fait, moi je ne pourrais pas le faire (rires) !
Q : En gros, c'est lui qui faisait notre boulot de management. Connecter les gens, etc.
F : Quartz et moi, on fignole les morceaux, on fait de la zique, de la zique... Mais Bioul arrive aussi à faire ça en plus !
R : Être artiste dans le projet mais agir en plus en tant que manager... T'es humain, si t'as un problème sur un point ça va forcément avoir de plus lourdes répercussions.
F : T'es pas humain, t'es un robot (rires) !
R : Z6PO (rires) !


Dans le cheminement que vous suivez chacun de votre côté, il y a tout de même une belle actualité : la compilation allemande Chevy Metal, la prod de Quartz pour Robert Roccobelly, les collabos avec l'australien Rootsword... Comment êtes-vous rentrés en connexion avec autant de personnes ?

Q : Vive MySpace !
R : Chevy Metal ça vient de moi car j'étais allé au Splash Festival deux années de suite. C'était la galère, il a plu à fond, la mousson, alors que les autres années il y avait trop de soleil. C'était la guerre de Viêtnam (rires) ! J'y suis donc allé vu que je m'étais fait des contacts à l'époque sur le morceau des Bauers avec pour optique de faire de la promo. J'ai rencontré Mr.Beakz, le responsable derrière Chevy Metal, qui y avait un stand d'habits. Je lui ai donné un CD, et on a gardé le contact via MySpace et téléphone. Lui et ses gars kiffaient ce qu'on faisait et ils nous ont invité sur leur album. On a fait Asphalt Ryderz sur une prod à Quartz. Dessus est venu se greffer un gars de Cologne, Def Benski, du groupe Die Firma, qui sont chez Sony BMG. Ils ont vendu genre 700'000 albums sur toute leur carrière. Jay-Z a fait un remix de son morceau 99 Problems
du Black Album avec l'un des gars du groupe. C'est marrant, il a entendu le morceau à l'époque en disant "Ouais, y a moyen de faire un remix avec moi ?". Et les contacts avec ses potes se sont faits comme ça. Ils m'ont passé une prod sur laquelle j'ai posé, deux morceaux sur Chevy Metal : l'un de Force Quartz avec Def Benski et l'autre de moi avec une chanteuse du nom d'Adulis qui sera aussi sur mon album, et un gars qui s'appelle Plus. Y avait quoi d'autre ?
Q : C'était déjà quoi la question ?
R : Rootwords c'était par MySpace, dans l'optique de la compile Asphalt Themes et dans l'optique autrefois développée avec Juskobou, et Stil Fada et Intersquad. J'ai voulu élargir, aller plus loin et ai rencontré des gens qui étaient intéressés et voulaient bosser avec moi. Là ça se fait avec des gens motivés qui ont autant envie que nous de collaborer et de bien bosser.

Je me rappelle avoir été à la Fnac où le CD de Robert Roccobelly était en libre écoute car son Roccobelly Dance était sur une playlist Couleur 3. En écoutant le morceau, j'entends le nom de Quartz...
Q :
J'ai rencontré Roccobelly lors de l'enregistrement d'Asphalt Themes. Je crois que c'était Bioul qui avait invité Sisma pour poser et lui avait dit qu'il pouvait venir avec des gars à lui. Donc il s'est pointé avec ses gens, dont Roccobelly, NY et Ketak de Sick Swan. On a posé le track et tout, et style un mois plus tard il m'appelle en me disant qu'il n'était pas satisfait du truc et qu'il allait revenir. Une fois sur Genève, il repose le track pour Asphalt et me demande si j'ai pas un son pour son album à lui faire écouter. J'en choisis un en lui disant qu'il est assez spécial et il croche direct. Il me dit tout de suite : "On va faire la Roccobelly Dance !", je suis allé acheter deux-trois bières à la Coop et il a écrit son track en genre une heure de temps. On a fait ça un peu à l'arrache, mais il a réussi en fin de compte à greffer ce dernier morceau sur son album. Et vu que Roccobelly connaît l'un des gars qui se charge des diffusions sur Couleur 3, il leur a passé son album. Ils ont finalement choisi le morceau qu'ils kiffaient dans Repérages, la Roccobelly Dance. Donc voilà comment ça s'est fait.


--> Lire la suite de l'interview

Publié dans INTERVIEWS

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article