Seth - Bouquet de Proses
Monsieur Seth
Pour commencer, autant vous le dire franco pour que vous ne fassiez pas les faux surpris par la suite : sachez que Seth est lausannois. Alors oui, on le sait tous, le canton de Vaud ce n'est pas le canton de Genève, et on va encore médire à mon sujet en disant que je pourrais plus promotionner le Rap genevois au lieu de m'intéresser au cas d'un voisin romand. Ah, ces rappeurs qui croient que tout leur est dû, qu'on est à leur bon service ; ah, ces tensions entre collègues suisses. Mais à part la guerre du Sonderbund, qui aura fait cent morts et duré un peu moins de trente jours (tu parles d'une guerre...), j'ose affirmer que les conflits intercantonaux n'ont aucunement lieu d'être à l'heure actuelle. Mais bon, je ne vais pas vous parler avec les mots et les dires de Hans Peter Kriesi ou je ne sais quel spécialiste de la réforme de la péréquation financière et de la distribution des tâches, mais du Bouquet de Proses fraîchement cueilli par le rappeur Seth. Comme à l'image des quelques dessins illustrant la jaquette -voyez seulement la couverture, une rose faite de mots, tâchée de sang, issue d'une flore peu sympathique-, les paroles de Monsieur Seth sont torturées, doucereuses, ou encore dépressives au possible, et se lovent dans sa psyché pour pouvoir mieux en ressortir peines et souffrances. Le ton est donné lorsque notre artiste se permet d'avertir ses auditeurs quant à l'authenticité de ses lyrics, à éviter si l'on est dôté d'un coeur trop sensible. Adoptant un phrasé et une écriture résolument tournés vers une exacerbation du moi comparable aux performances d'artistes romantiques tels que Victor Hugo, Seth pleure et vomit sa frustration via un Rap efficace et écorché, emporté par des figures de style sombres performées de façons plaintives et savoureuses. Les instrus accompagnent avec une justesse certaine notre artiste qui, en tant qu'auteur lyrique, donne naissance à de petits bijoux engendrés par un trop plein de peines et de réalisme, comme sur Crescendo (reprenant allégrement le main theme du film Requiem For A Dream) ou encore Missive Secrète, morceau dépouillé et peut-être meilleur titre de l'album (aussi bien musicalement que lyricalement). Torturé devant l'éternel, Seth s'abreuve dans un puit sans fond hanté par les chuchotements d'un Thanatos putride, et en ressort thèmes intimistes le long des 21 titres (parfois courtissimes) de son Bouquet de Proses, et prouve avec brio sa maîtrise en terme d'écriture et d'interprétation larmoyante. Cela dit, l'univers lourd et étouffant de notre lausannois rend cet opus quelque peu difficile à écouter d'une seule traite, faute due en grande partie à la redondance des thèmes évoqués (l'irritante éternelle frustration) et à un flow pas toujours efficace (comme sur Toutes les Larmes de mon Corps, rappé au bord de la crise de nerf). On notera aussi quelques fautes de goûts comme l'horripilant refrain de Quelques Mots avec Gambi, rappelant plutôt des mauvais moments du groupe Louise Attaque qu'autre chose. Mais deux misérables anicroches sur une vingtaine de titres maîtrisés, avouez que c'est bien peu. Peut-être plus musique française que Rap pur et dur -on sent plus l'influence d'un Brel que d'un Kery James-, Seth semble vaciller entre les deux genres, et se rattrape par intermittence à un style ou à un autre. Mais si l'on devait reprocher une seule chose au monsieur, c'est d'être sujet aux fluctuations terrestres des joies et des peines, des expériences agréables et désagréables, des louanges et des menaces ; et d'avoir été dôté d'un coeur trop humain pour parler de toutes ces choses. Ne faisons pas allusion à une quelconque faiblesse, mais il apparaît heureusement que le coeur de notre artiste parvienne à faire l'expérience de la délivrance depuis une cage faite de chair et de mots. Insaisissable, vous peinerez à sentir le parfum et à toucher les épines de ce Bouquet de Proses maudit, mais Dieu sait qu'il touchera votre ouïe et votre coeur si vous vous donnez assez de peines pour rentrer dans l'univers morose de Seth.
_TN
MySpace Seth
Pour commencer, autant vous le dire franco pour que vous ne fassiez pas les faux surpris par la suite : sachez que Seth est lausannois. Alors oui, on le sait tous, le canton de Vaud ce n'est pas le canton de Genève, et on va encore médire à mon sujet en disant que je pourrais plus promotionner le Rap genevois au lieu de m'intéresser au cas d'un voisin romand. Ah, ces rappeurs qui croient que tout leur est dû, qu'on est à leur bon service ; ah, ces tensions entre collègues suisses. Mais à part la guerre du Sonderbund, qui aura fait cent morts et duré un peu moins de trente jours (tu parles d'une guerre...), j'ose affirmer que les conflits intercantonaux n'ont aucunement lieu d'être à l'heure actuelle. Mais bon, je ne vais pas vous parler avec les mots et les dires de Hans Peter Kriesi ou je ne sais quel spécialiste de la réforme de la péréquation financière et de la distribution des tâches, mais du Bouquet de Proses fraîchement cueilli par le rappeur Seth. Comme à l'image des quelques dessins illustrant la jaquette -voyez seulement la couverture, une rose faite de mots, tâchée de sang, issue d'une flore peu sympathique-, les paroles de Monsieur Seth sont torturées, doucereuses, ou encore dépressives au possible, et se lovent dans sa psyché pour pouvoir mieux en ressortir peines et souffrances. Le ton est donné lorsque notre artiste se permet d'avertir ses auditeurs quant à l'authenticité de ses lyrics, à éviter si l'on est dôté d'un coeur trop sensible. Adoptant un phrasé et une écriture résolument tournés vers une exacerbation du moi comparable aux performances d'artistes romantiques tels que Victor Hugo, Seth pleure et vomit sa frustration via un Rap efficace et écorché, emporté par des figures de style sombres performées de façons plaintives et savoureuses. Les instrus accompagnent avec une justesse certaine notre artiste qui, en tant qu'auteur lyrique, donne naissance à de petits bijoux engendrés par un trop plein de peines et de réalisme, comme sur Crescendo (reprenant allégrement le main theme du film Requiem For A Dream) ou encore Missive Secrète, morceau dépouillé et peut-être meilleur titre de l'album (aussi bien musicalement que lyricalement). Torturé devant l'éternel, Seth s'abreuve dans un puit sans fond hanté par les chuchotements d'un Thanatos putride, et en ressort thèmes intimistes le long des 21 titres (parfois courtissimes) de son Bouquet de Proses, et prouve avec brio sa maîtrise en terme d'écriture et d'interprétation larmoyante. Cela dit, l'univers lourd et étouffant de notre lausannois rend cet opus quelque peu difficile à écouter d'une seule traite, faute due en grande partie à la redondance des thèmes évoqués (l'irritante éternelle frustration) et à un flow pas toujours efficace (comme sur Toutes les Larmes de mon Corps, rappé au bord de la crise de nerf). On notera aussi quelques fautes de goûts comme l'horripilant refrain de Quelques Mots avec Gambi, rappelant plutôt des mauvais moments du groupe Louise Attaque qu'autre chose. Mais deux misérables anicroches sur une vingtaine de titres maîtrisés, avouez que c'est bien peu. Peut-être plus musique française que Rap pur et dur -on sent plus l'influence d'un Brel que d'un Kery James-, Seth semble vaciller entre les deux genres, et se rattrape par intermittence à un style ou à un autre. Mais si l'on devait reprocher une seule chose au monsieur, c'est d'être sujet aux fluctuations terrestres des joies et des peines, des expériences agréables et désagréables, des louanges et des menaces ; et d'avoir été dôté d'un coeur trop humain pour parler de toutes ces choses. Ne faisons pas allusion à une quelconque faiblesse, mais il apparaît heureusement que le coeur de notre artiste parvienne à faire l'expérience de la délivrance depuis une cage faite de chair et de mots. Insaisissable, vous peinerez à sentir le parfum et à toucher les épines de ce Bouquet de Proses maudit, mais Dieu sait qu'il touchera votre ouïe et votre coeur si vous vous donnez assez de peines pour rentrer dans l'univers morose de Seth.
_TN
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