Le Hentaï : juste du cul ? 2
Voyons un peu…
Dans cette toute dernière partie, et juste avant notre conclusion, nous allons passer sous la loupe quelques animes hentaï en raison des thèmes qu’ils abordent et qu’on retrouve bien souvent au sein de la société japonaise.
Bible Black
Minase est un petit malin et un sacré pervers : il met la main sur la Bible Black, livre démoniaque renfermant de grands pouvoirs qui lui permettent alors de coucher avec qui il veut. Certaines élèves, dont la blonde Kaori, semblent très intéressées par les tours de notre héros… Et c’était aussi sans compter sur la venue du professeur Kitami, une bien étrange infirmière qui semble vouloir accomplir une mystérieuse cérémonie pour la nuit de Walpurgis.
Le cadre de la série étant un lycée, les uniformes sont donc légions. La version française a toutefois décidé de traduire « lycée » par « fac » pour éviter tous problèmes. Les demoiselles disposent de proportions drôlement abusées mais extrêmement bien dessinées. On retrouve ici un melting pot de styles avec du futanari (le professeur Kitami se fait pousser un pénis et Kaori s’en fait même pousser deux), du SM d’assez mauvais goût avec des purges et un peu de scat dans les épisodes spéciaux. Les classiques du genre comme le yuri, les viols et les tentacules sont également de la partie. Bien que 100% hentaï, Bible Black dispose d’une fan base qui n’est pas spécialement friande du genre, c’est dire la qualité de la série en terme de scénario et d’animation. Considéré comme un bon anime –et non pas uniquement hentaï-, Bible Black est riche, pas stupide, et propose un éventail assez important de genres abordés afin de satisfaire les spécialistes comme les plus curieux.
Immoral Sisters
L’histoire débute avec Yukie, mère de famille, qui renverse en voiture un jeune homme du nom de Taketo. Yukie se retrouve alors dans l’obligation de payer une somme exorbitante au père du garçon qui est un PDG influent. Étant dans l’impossibilité de rembourser les dommages et intérêts, Yukie et ses deux filles Tomoko et Rumi deviendront les esclaves sexuelles de Taketo et de son père afin de s'acquitter de leur dette.
À lire le résumé, on comprend très rapidement quelle tournure la série va prendre : les relations incestueuses et le lolicon prennent alors le pole position. Les scènes de triolisme entre Yukie, la mère, et ses filles Tomoko et Rumi ont de quoi déranger les esprits, surtout quand on sait que les progénitures ne sont pas encore majeures… Immoral Sisters est un exemple parlant de la situation de la femme au foyer japonaise, non libérée et toujours confinée au travail à domicile. Comme on le voit durant la scène de sexe entre Taketo et Yukie, le père de famille appelle sa femme au téléphone alors qu’il est en voyage d’affaire. L’absence de la figure patriarcale de la maison est alors synonyme de chaos et d’adultère, à croire que l’équilibre familial tient sur ses seules épaules.
Midnight Sleazy Train
Les affaires vont plutôt mal pour le cheminot d’une ligne de chemin de fer. Afin d’éviter la fermeture, son imagination débridée va donner naissance à une idée révolutionnaire : convier des filles aux fantasmes débordants pour qu’elles jouent les rôles d’hôtesses très spéciales. Les voyageurs affluent donc afin de profiter de la bonne sœur, de la lycéenne, de la mère et de sa fille ou encore de la bunny girl et de la policière.
Autre spécialité made in Japan : celle du pervers des trains (d’où le titre français de Midnight Sleazy Train). Il s’agit d’individus de sexes masculins se faufilant dans les transports en commun lors des heures d’affluence afin de jouer aux touche-pipi en toute sérénité (les chikans). Munis d’un journal afin de dissimuler leur visage, la discrétion est leur arme clé afin de pouvoir tripoter tranquillement une ou des passagère(s). Il arrive parfois que des femmes esseulées s’offrent dans le shinkansen afin de pallier à un manque affectif certain (mari souvent absent, femmes d’un certain âge frustrées…). Midnight Sleazy Train pousse le vice et le fantasme encore plus loin.
Lingeries Office
Une firme de lingeries, la Best Beauty Body, accueille un nouveau cadre : Yusuke Nakanishi. Adepte de l’harcèlement sexuel, il constatera que certaines affaires sont réglées au sein de l’entreprise à coups de ça va, ça vient. Bien décidé à reprendre la société à sa manière, il va donc se lancer dans un jeu de séduction et surtout de chantage auprès des employées.
Plus que le thème de l’harcèlement, les filles rencontrées par Nakanishi devenant très rapidement folles de lui, c’est l’image de la femme au sein d’une entreprise qui prime ici. Stylées, sensuelles et dotées de beaucoup de prestance, les employées de la Best Beauty Body ont des postes à responsabilités et incarnent de ce fait le dynamisme au travail des japonaises d’aujourd’hui. Fascinantes pour la plupart par leur charisme et surtout leur professionnalisme, elles ne tardent pourtant pas à se retrouver humiliée sexuellement. L’image du dominant mâle s’échappe de plus en plus de nos jours dans la société japonaise, et des animes hentaï tels que Lingeries Office s’adaptent aux tendances actuelles tout en remettant cette idée d’hiérarchie entre l’homme et la femme en place.
Alors ?
Le hentaï commence réellement à voler de ses propres ailes ; les scénarii simplistes laissent désormais place à des intrigues travaillées avec des personnages intéressants. Des animes comme Mezzo Forte et Front Innocent sont dorénavant édités en deux versions : intégrale ou encore sans scènes de sexe. La raison tient surtout au fait que la production hentaï actuelle semble vouloir aller plus loin qualitativement, d'où l'apparition d'animes de grande qualité tels que Bible Black et Lingeries Office. Kimi Ga Nozomu Eien, un ero-game sur PC, s'est vu adapté en série TV tout public : son histoire et ses thèmes en ont donc fait un mature shôjo de qualité sans aucune allusion à sa version X de base. C'est également le cas du dessin animé kawaii To Heart qui était également un ero-game auparavant. Et ça, bien peu de personnes le savent.
Il est difficile d'établir une conclusion définitive concernant le hentaï, voire même impossible. Si les bases du genre désignent le hentaï comme étant une continuité des shunga, les ukiyo-e pornographiques, il serait trop fort d'affirmer qu'il en est aussi une vulgarisation. Le hentaï est certainement plus que du cul, il est un véritable miroir social reflétant les moeurs sexuelles japonaises, contenant ses fantasmes avoués et inavoués. Jean Giraud, alias Moebius, affirmait que la sexualité au Japon s'inscrivait principalement dans la contemplation et la perspective de l'acte et non dans l'acte en lui-même ; le hentaï joue donc un rôle de catalyseur, reprend des références issues du réel afin de les mêler à ses propres codes, faisant alors exploser une libido taboue. Quant au fait que certaines catégories du hentaï peuvent prêter à confusion et peut-être même traumatiser -comme le guro ou encore le lolicon-, il est de la responsabilité de chacun de connaître ses propres limites face à certaines représentations du sexe. Et surtout, il ne faut pas oublier que le hentaï provient du Japon et est donc destiné aux Japonais : on ne peut juger aussi facilement et radicalement les pratiques et les tendances sexuelles d'un pays. Le véritable malheur du hentaï? C'est qu'il a trait au sexe, donc au scandale. Mais le hentaï reste avant tout du dessin, au même titre qu'un Manara, sauf qu'il est parvenu à s'affranchir de sa simple condition de copiste pour enfin considérer le monde comme un potentiel de fiction : les femmes ont des pénis et se font prendre par des tentacules monstrueuses, les hommes arrachent des culottes avec des boules de feu... Une chose est évidente : le hentaï est le fruit de la frustration d'une société, mais surtout de son imagination fertile.
Qui a dit que les dessins animés étaient pour les gamins ?
_TN
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Article sur Front Innocent